Notaire

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NOTAIRE, subst. masc. Officier dépositaire de la foi publique, qui garde les notes et minutes des actes que les parties passent devant lui. Il y avait des Notaires en France, dès le commencement de la monarchie : le roi, avait ses Notaires ou secrétaires qui expédiaient les actes de sa chancellerie ; mais on tient communément que ce fut saint Louis qui érigea les Notaires en titre d'office, et que les premiers de cette espèce furent les soixante Notaires qu'il créa pour le Châtelet de Paris.

L'édit du roi François Ier de l'an 1532 contenait que les Notaires et tabellions n'écriraient plus en latin, qu'ils contracteraient en français ; que ces charges, qui n'ont été exercées que par des nobles, l'ont été indifféremment par toutes sortes de personnes, sans considérer leur naissance, leur érudition et leur mérite.

André Tiraquau, conseiller au parlement, qui enrichit par dessus, dit qu'en certains lieux, l'office de Notaire est estimé si précieux qu'il faut être noble ou docteur aux droits pour y aspirer. Tanti apud aliquas gentes habetur notariatus officium, ut ad illud nulli aspirare liceat nisi vir nobilis sit, vel furium doctor ce qui est rapporté en même temps par Antoine Faber. Aussi, Pierre de Ferrare, docteur et disciple de Balde, était Notaire, comme il le témoigne, in forma definitiva sententiarum verbo. Viso etiarn num. 2.

Pierre Picot en a recherché la source jusqu'au temps d'Auguste qui accorda aux Notaires le droit d'anneau d'or, qui n'était donné qu'aux nobles et à ceux qui étaient chevaliers romains ; les serfs avaient seulement l'anneau de fer, et les affranchis celui d'argent.

Il se remarque en France plusieurs Notaires qualifiés écuyers dans les actes de leur exercice, et le Notaire noble de race, dans le pays de droit écrit, portait le titre de nobilis vir. Il se voit aussi, dans un compte particulier de la recette ordinaire de Troyes, finissant à la Madeleine la 1356, qu'on attribue à Henri Breton, tabellion de Montigny, la qualité de monsieur et de personne noble.

On voudra peut-être se servir contre les Notaires d'un règlement fait au conseil privé le 4 juin 1668, article 7, autorisé contre les Notaires de Provence, qui sont censés avoir dérogé, ce qui est fondé sans doute, sur ce que plusieurs prétendaient tirer leur extraction noble du notariat, qui était exercé anciennement par des gradués, comme si cette fonction de Notaire avait dû anoblir, ce qui n'a jamais été. C'est pourquoi l'arrêt du conseil d'état du 22 mars 1666 met les Notaires au nombre de ceux qui dérogent à la noblesse, en voici les termes : que les Notaires avant 1560 sont censés avoir dérogé et avoir exercé une profession roturière ; mais il n'est pas expliqué précisément depuis quel temps commence cette dérogeance et il n'est fait aucune observation sur l'ancien usage de Provence.

Lorsque les contrats se passaient en latin, dans le ressort de Provence, il fallait que les Notaires fussent savants et qu'ils apprissent le droit : de sorte que les personnes de condition ne refusaient point cet emploi, ce qu'elles eussent fait s'il les eût privés de leur noblesse ; mais depuis 1540 que l'on a contracté en Français dans le comté de Provence, les nobles ont refusé de se mêler dans cette charge et l'ont abandonnée à des roturiers.

Pour preuve de cette vérité, nous trouvons qu'anciennement, en cette province, quantités de personnes nobles ont exercé cette charge de Notaire.

Il est rapporté dans la chronique de Provence, publiée par César Nostradamus, que les Notaires, gens de savoir et d'expérience, en leur profession, étaient commis par les lieutenants et par les grands sénéchaux de Provence, de la part du comte, pour recevoir les hommages des gentilshommes, dont plusieurs bonnes et nobles maisons sont descendues : que les Notaires étaient alors bien versés aux bonnes lettres, et que leurs descendants n'ont point d'autres lustres ni de plus luisante clarté que d'en tirer leur principe, ce sont les paroles dont se sert cet historien.

Parmi les exemples qu'il donne, celui de Gillaume Pumeiran, Notaire de la ville d'Arles, lequel, à cause de la dignité de sa charge, reçut les hommages des gentilshommes de Gonesse en Provence, l'an 1258, sous le règne de Charles Ier, roi de Sicile et comte de Provence.

Auparavant, et sous le même règne, l'an 1247, tous les Notaires étaient nobles en exécution de l'ordonnance de l'empereur Frédéric Barberousse, qui fit un édit très exprès à Roger, roi de Sicile, pour défendre l'exercice de Notaire aux non-nobles, car ces deux princes voulaient que les Notaires fussent de bonne condition et de sang noble : ce sont les propres termes.

Nostradamus ajoute que, depuis 80 ou 10O ans, l'état de Notaire, ayant été avili et rendu vénal, les défenses faites aux non-nobles d'être Notaires avaient cessé, ce qui n'empêchait pas qu'une partie des gentilshommes de Provence ne descendît de Notaires qui contractaient en latin et non en langage vulgaire, qu'ils étaient gens de savoir, qui avaient rang entre les barons et nobles du pays.

Dans l'histoire de Salmunte, des sièges de Naples, du temps de la reine Jeanne, comtesse de Provence, les Notaires sont qualifiés gentilshommes ; aussi l'an 1359, sous le règne de Louis et de Jeanne quinzièmes comtes, les nobles exerçaient publiquement la profession de Notaires. De même, l'an 1415, sous Louis XIX comte, et en 1438, René régnant, les Notaires avaient tant de crédit en la ville d'Avignon qu'ils étaient juges de toutes les causes du pays.

Il y a un accord daté du 3 septembre 1388 qui porte que François Caraciol, Notaire, était frère de Léonard Caraciol, chevalier, et que Léonel de Somma était aussi Notaire et chevalier.

Le même Salmunte décrit l'extraction de Philebert Caraciol, grand sénéchal de Provence, décédé l'an 1432, auquel il donne les qualités de comte d'Avelin, duc de Venonce et seigneur de Capoue, pour père François Caraciol, fils de Charles Caraciol, dit le Tort, parce qu'il avait une jambe courte, qui exerça l'office de Notaire. De cette race était Ottine Caraciol, créé chancelier de Naples et de Provence, l'an 1425, de même que Jean Caraciol, prince de Melphe, duc d'Ascoly, au royaume de Naples, gouverneur de Provence, maréchal de France, l'an 1547, qui mourut à Suse l'an 1550.

Il y a d'autres exemples signalés dans les maisons de Laures, de Joannis de Matharon, de Guiramand, de Thoulon, de Domban de Littera, de Sinmer, qui sont nobles sans contredit, et qui ont eu des Notaires.

Claude d'Expilly, président au parlement de Grenoble, dans les célèbres plaidoyers qu'il a faits, dit pendant qu'il était avocat général, que les gentilshommes de Dauphiné, avant l'ordonnance de 1550, exerçaient l'art de Notaire sans difficulté et sans faire tort à leur noblesse, au grand bien et pour la sûreté des familles, de leurs biens ; et nous croyons, dit-il, qu'en ce siècle si dépravé de mœurs, il serait nécessaire, plus que jamais, que cet office ne fût donné qu'à des gentilshommes ou personnes de qualités et de moyens, pour éviter les fréquentes faussetés que la pauvreté, la timidité, ou la facilité de plusieurs petits Notaires de cette province font commettre.

Le président Allard, témoin oculaire et véritable des titres de la noblesse de Dauphiné, qu'il a vus dans la fonction de rapporteur, lors de la vérification des titres des nobles, a communiqué plusieurs exemples par son certificat du 27 mai 1668, comme les gentilshommes de cette province ont exercé la charge de Notaire sans faire préjudice à leur qualité, et comme leurs descendants y ont été confirmés par jugements des commissaires du roi.

Le premier de ces exemples est Lambert Ripert, du lieu de Clelles, en l'élection de Grenoble, qui prend les qualités de noble et de Notaire, dans les reconnaissances passées en sa faveur l'an 1380. Sa postérité a été, confirmée.

La profession de Notaire a été tant estimée en Languedoc, que les nobles qui l'exerçaient ne dérogeaient point à leur qualité.

Les personnes nobles ont aussi exercé en Bretagne la fonction de Notaire, sans déroger, et il se remarque, dans le procès verbal de la rédaction qui fut faite des Notaires, en Bretagne, l'an 1540, que les Bretons, qui ont toujours eu en singulière recommandation l'office de Notaire, firent des protestations en leur faveur, fondés sur plusieurs raisons : entre autres, que quelques Notaires étaient gentilshommes puînés des maisons nobles qui s'étaient dédiées à servir le public en l'état de Notaire, parce que les cadets ont des avantages médiocres par la disposition de leurs coutumes, et, dans cette province, en l'évêché de Léon, il n'y avait anciennement que les nobles qui exerçassent les charges de Notaires, non plus que toutes les autres de judicature.

Il s'apprend du manifeste publié par M. Catherinot du Coulons-sur-Oron, que Philebert Babou, cardinal de la Boudasière, mort à Rome en 1570, fils de Philebert, maître des eaux et forêts en Berry, en faveur duquel la charge de trésorier de l'épargne fut érigée en 1522, avait eu quatre Notaires de son nom ou de sa famille, à Bourges, qui sont Laurent Simon, François et Guillaume Babou, et que le sieur Archambaud de Monceaux, échevin noble de Bourges, avait fait voir la comptabilité du notariat et de la noblesse, dans une dissertation qu'il avait donnée au public.

Monsieur Blanchard a remarqué, dans son histoire du parlement de Paris, que Jean de Wailly, qui en était président, et depuis, premier président, lors de la séance transférée à Poitiers, était fils de Richard de Wailly, Notaire au Châtelet de Paris, dont il se voit des contrats qu'il passa l'an 1376 et 1405. Il eut pour père, suivant les mémoires de M. d'Hérouval Pierre de Wailly, qui comparut avec Guillaume de Wailly, son frère, en la montre qui fut faite en la prévôté de Montereul et autres prévôtés, de tous les nobles de Picardie, par ordre du roi Philippe de Valois, suivant les lettres qui en furent expédiées à Loissy le 24 août, l'an 1337, et le rôle qui en fut dressé est à la chambre des comptes.

Si la charge de Notaire n'a point dérogé en l'Île-de-France et en Picardie, la même fonction n'a point aussi dérogé en Normandie, comme il se voit par un contrat de constitution de rente, passé le 17 septembre 1562, en la vicomté du Pont-de-d'Arche, au siège de Louviers, par devant Nicolas Eyard et Louis Bridon, écuyers et tabellions.

Si un gentilhomme ne déroge pas en exerçant l'art de la verrerie, qui pourrait plutôt être compris entre les mécaniques et qui est si fragile, celui qui passe des actes pour l'immortalité des contractants et pour la sûreté des biens des familles, qui se font dans toute sorte d'états, sera-t-il plus ravalé ?

Ainsi, les Notaires royaux gentilshommes ne sont point sujets à la dérogeance, mais ceux qui sont Notaires des hautes justices, et qui s'asservissent sous des seigneurs particuliers semblent déroger pour n'avoir aucun titre formé, qui est l'opinion d'Étienne Ranchin : Quantum ad officium notariatus, non est dignitas sed munus C. fer in princ. Cod. de Serv. republi. manumite et tale officium notariatus dicitur vile officium, ce qui s'entend des Notaires communs, à la différence des Notaires royaux.

On pourrait même apporter cette distinction que celui qui exerçait un tabellionage avant la réunion de ces charges au domaine, et qui en était propriétaire, ne faisait point d'acte dérogeant à noblesse : comme il se voit que Jean Becoq, écuyer, tabellion, ès vicomtés de Caen et d'Évreux, a été tenu pour noble avec ses descendants, n'y ayant que les Notaires fermiers à loyer qui dérogent.

Enfin l'édit du roi, donné à Nancy au mois d'août 1673, vérifié au parlement de Paris le 7 septembre, et à la cour des aides le 7 décembre, décide entièrement la question en faveur de la comptabilité de la noblesse avec les fonctions des Notaires et gardes-notes du Châtelet de Paris. Il leur attribue la qualité de conseiller de Sa Majesté, leur confirme le pouvoir qu'ils ont de faire passer tous contrats, inventaires, et autres actes, dans l'étendue du royaume, sans que le titre et les fonctions de Notaire garde-note leur puisse être imputé à dérogeance pour ceux qui ont à présent le titre de noblesse, ou qui en seront à l'avenir pourvus, et qui les exerceront, ce qui a été confirmé par un édit du mois d'avril 1736.

Les Notaires secrétaires du grand conseil jouissaient de la noblesse au premier degré, comme assimilés aux quatre Notaires secrétaires du parlement, par édit de 1636, confirmé par la déclaration du 6 mars 1719 ; et les Notaires secrétaires de la cour des aides de Rouen jouissaient de la noblesse, comme faisant partie de cette cour, par édit du 11 mars 1653.

d'après le Dictionnaire encyclopédique de la noblesse de France Nicolas Viton de Saint-Allais (1773-1842) — Paris, 1816